Visite de la Fondation Marmottan à Paris qui renferme la plus importante collection de Monet au monde dont le célèbre Impression, Soleil Levant de 1872. Mais surtout, de fascinants exemplaires de Nymphéas.
Parmi elles, cette toile. Une vue plutôt rapprochée du bassin aux nymphéas située dans la propriété du peintre à Giverny. Quoi de plus évident que des plantes à la surface de l’eau : des nénuphars au premier plan en haut du tableau, une touffe d’herbe derrière, des nuages puis le ciel. A priori on pourrait y retrouver la structure traditionnelle en peinture qui guide habituellement la lecture de l’image de la surface vers le fond.
Sauf que Monet inverse le mouvement. Au lieu de s’enfoncer on ne cesse de revenir parce que ce que le spectateur contemple ici c’est d’abord un reflet. Bien plus encore, il retourne l’air de rien le tableau. Le ciel n’est plus en haut, il trône en bas. Rupture.
On pense à Baselitz, forcément, sauf que cette série, il l’entame entre 1914 et la fin de sa vie en 1926.
Nous ne sommes pas encore dans les années 80 et il faudra d’abord attendre les années 50 pour que Greenberg théorise la peinture moderne comme affirmation de la planéité du plan pictural mais pourrait-on le réduire à cela.
Finalement, je n’ai rien dit, je n’invente rien mais c’est fascinant de voir ça, dans le contexte, dans l’époque. Singularité.
Comme Léon Spillaert et son Crocodile sur fond gris peint en 1933 ou avec Rockets 1917 – radicalité dans la figuration, figuration qu’on aura trop vite enterrée par la suite.
Il faut parfois aussi éviter les grandes catégories et regarder les écarts de figures pas forcément tutélaires mais ça c’est une autre histoire.