Perdrix détail

La perdrix de Protogène

LA PERDRIX

Un visiteur. — Strabon rapporte au Livre XIV chapitre 2 de son ouvrage intitulé Géographie que Protogène réalisa deux tableaux, l’Ialysus et le Satyre à la colonne. Dans ce dernier figurait une perdrix devant laquelle, dit-on, les hommes restèrent tellement ébahis que toute leur admiration allait vers elle, tandis que le Satyre était négligé. Au point même que des éleveurs de perdrix ajoutèrent encore à la surprise générale en apportant avec eux, pour les mettre en face du tableau, des perdrix apprivoisées qui, dès qu’elles apercevaient la perdrix peinte, se mettaient tout de suite à chanter, à la grande joie des oisifs attroupés ! Protogène voyant que le principal passait ainsi au rang d’accessoire, sollicita et obtint des autorités du sanctuaire d’effacer l’oiseau.

Un second visiteur. — Mais le peintre ne pouvait-il pas se réjouir d’un tel enthousiasme ? Les artistes sont décidément des êtres bien susceptibles.

Le visiteur. — La perdrix étant un motif secondaire, elle ne pouvait éclipser le sujet principal du tableau. Certes l’accessoire autrement nommé parergon manifeste la virtuosité de l’artiste, ici il est le mimétisme de la représentation. Toutefois cette démonstration de savoir-faire ne doit pas prendre le pas sur le principal qui réside dans la figure du satyre.

Le second visiteur. — Ce peintre n’aurait pas dû jouer au plus malin. Il se plaint de ce qu’il réussit ! Il n’a pas à peindre ce qu’il ne veut pas que l’on voit.

Le visiteur. — Sans doute. Mais sais-tu qu’à l’origine, le parergon désignait le paysage qui ornait la scène principale ? Il est à la fois le dedans et le dehors de l’œuvre car il en est la marge.

Le second visiteur. — Il est vrai que beaucoup de choses se disent à la marge justement…

Le visiteur. —  Tout à fait.

Le second visiteur. — Aïe, si je comprends bien, il faut toujours faire attention à ce que fait un peintre, où et comment. On n’est pas sorti de l’auberge ! Il y a donc voir et voir.